Valérian laissa un dernier sourire à son patient qui le lui rendit avant de sortir de l'hôpital. Un petit garçon, d'une dizaine d'années, souffrant le martyre après une placage au rugby. Pauvre gosse, il s'était cassé le bras comme il fallait. C'était Valérian qui s'en était chargé, c'est vrai qu'il s'occupait souvent des enfants, il adorait les enfants, les voir sourire quand il arrive à apaiser leur douleur, leur petite bouille, c'est un infirmier qui aimerait énormément bosser au service pédiatrique, mais bon, il n'en a jamais fait la demande. Bref. Il retourna vers l'accueil, avant d'observer la salle d'attente, il n'y avait pas grand monde, voir personne, assez étrange sachant que les urgences étaient constamment bondée. Il haussa les épaules et décida de monter à l'étage pour voir si personne n'avait besoin de lui. S'engouffrant dans l’ascenseur, il priait toujours pour que ce dernier ne se stoppe pas. C'était une de ses nombreuses peurs oui, légèrement claustrophobe, il arrivait parfois à dépasser sa peur, mais tout seul, dans cet ascenseur, il craquerait certainement.

Il arriva finalement au premier étage, et s'en alla vers l'accueil, où il s'accouda docilement sur le comptoir, observant la maitresse des lieux qui lui offrit un magnifique sourire. « Bonjour, je viens voir s'il y a besoin d'aide par ici. » Elle ouvrit rapidement son carnet et commença à chercher alors que Valérian laissa son regard divaguer, cherchant des personnes qu'il connaissait. Alexis par exemple, elle devait avoir reprit le travail maintenant, mais il ne la trouva pas. La jeune demoiselle lui informa que tout était sous contrôle, il acquiesça alors, avant de s'en aller dans les couloirs. Il ne savait pas trop où il allait, surement prendre les escaliers et redescendre aux urgences. Il continua d'avancer, quand il vit un peu plus loin, une personne bien familière. Une silhouette parfaite, des cheveux blonds, dans une blouse blanche, similaire à celle qu'il portait. Il marcha donc dans cette direction, pendant que la personne venait vers lui. Il pouvait presque être certain que c'était elle. Anaëlle. Ils étaient sortis ensemble, il y a plus d'un an de cela maintenant. Un an et quelques mois, à peu près. Lorsqu'elle était arrivée. Il l'avait dragué, et finalement, était tombé sous son charme. Il avait voulu oublier Hanaé dans ses bras, et s'était rendu compte que ce n'était pas une si bonne idée sachant qu'il s'attachait à elle. Quitter une personne qu'il aime pour tomber dans les bras d'une autre n'était pas une si bonne idée. Et puis ses parents étaient morts, silence radio. Bref, tout ça. Elle continua, mais elle ne s'arrêta pas, au contraire, elle continua sa route, en même temps, il en fit de même, avant de s'arrêter et se retourner. Elle était à seulement trois mètres. « Anaëlle ? »

Observer et disséquer des cadavres, c'était comme qui dirait devenu son habitude, son passe-temps. Elle aimait les études qu'elle entreprenait sinon, elle les aurait abandonné depuis bien longtemps. Reposant le scalpel dans la bassine, la blondinette s'essuyait ses gants en plastiques ensanglantés sur sa blouse de protection. Énième patient atteint d'un cancer foudroyant. Énième cas qu'elle disséquait. Elle n'était pas émotive, pas même sentimentale ou nostalgique à l'idée de songer à la famille de l'un de ses cas si particuliers. Mieux valait pour elle d'avoir une concentration et un moral d'acier afin de ne pas flancher. Retirant finalement sa blouse, la jolie blonde laissa sa place à un autre étudiant afin qu'il effectue exactement le même type d'exercice. Elle était en quatrième année de médecine légiste et se devait de poursuivre un stage au sein de l'hôpital de Biarritz. Elle avait acquit beaucoup d'expérience et surtout, de maturité. Ce n'était plus la demoiselle peureuse et maladroite qui séchait régulièrement les cours en fin de lycée. Elle avait véritablement compris le sens du terme ' travailler ' dès son entrée en faculté. Après s'être pris une grosse claque en première année, elle avait su reprendre la place qu'elle méritait d'avoir et s'était fixée un objectif : réussir.

« C'est tout pour aujourd'hui Anaëlle. C'était très bien en tout cas, félicitation. » Son tuteur appréciait les efforts qu'elle accomplissait et Ana s'en voyait à chaque fois embarrassée. Elle n'était pas habituée à autant de compliments et de sourires. Rejoignant le vestiaire, elle se changea brièvement en arborant toutefois une nouvelle blouse blanche - elle désirait faire un rapide tour de l'hôpital avant de partir, la blouse était donc obligatoire si elle ne voulait pas se faire renvoyer - Quittant la morgue, la demoiselle grimpa les quelques marches menant jusqu'à l'accueil et découvrit que l'effervescence générale avait retrouvé un niveau stable. Les secrétaires n'étaient plus aussi débordées qu'au cours de la matinée et les patients se faisaient un plaisir à marcher dans des couloirs vides. Resserrant les pans de sa blouse, la française reprit une marche régulière dans le couloir principal menant jusqu'au hall d'entrée, posant son regard sur les quelques personnes qui s'y trouvaient. Elle avait donc l'après-midi pour souffler et profiter du soleil qui trônait en maitre dans le ciel. « Anaëlle ? » Derrière elle, une personne l’interpelait. Cette voix lui semblait familière, trop familière. Faisant volte-face, elle tomba de haut en plantant son regard sur celui de son ex, ce cher Valérian qui ne lui avait pas donné de nouvelles depuis des décennies - oui rien que ça ! - Restant coite, son visage se figea tandis qu'elle osa se permettre de le dévisager. Il n'avait pas changé, toujours aussi canon physiquement parlant. Un laps de temps plus tard, elle pivota son corps et reprit sa marche constante le long du hall d'entrée, se dirigeant vers un couloir complètement désert. Elle était partie sans lui dire un mot ... Pas même un sourire ou une once de sympathie, rien. Elle lui voulait pour ce qu'il lui avait fait ; même son cœur commença à battre irrégulièrement, trop chamboulé par l'évènement qui venait de se produire. Etait-ce seulement réel ou le fruit de son imagination ?

Alors que le jeune infirmier marchait tranquillement dans les couloirs sans but précis, à part faire un petit tour de routine, il croisa une personne qu'il ne s'attendait certainement pas croiser ici, et maintenant. Il savait pourtant très bien qu'il y avait des risques de la croiser, étudiante en médecine, certes, bon, médecine des morts, mais quand même, il y avait des légistes dans l'hôpital, sauf qu'il ne savait pas qu'elle était en ce moment même en stage. Si l'avait su, il n'aurait peut-être pas lézardait à cet étage comme il le faisait maintenant, car il faut avouer qu'avec les femmes, Valérian n'avait jamais vraiment su comment s'y prendre. C'est vrai. Et là, ça faisait presque un an sans nouvelle, il avait passé pratiquement un an sans donner de nouvelle à qui que ce soit, personne. Il allait bosser, parlait peu, puis rentrait chez lui, et ainsi de suite sans se poser de question, ayant une vie sociale des plus réduites. Maintenant, il revenait petit à petit dans le monde réel, mais ce n'était pas encore ça, car il devait rattraper beaucoup de choses car il en avait mi énormément de côté. Il s'en rendait compte petit à petit, et Anaëlle faisait partie de toute ça.

Il croisa la belle blonde qui ne lui accorda même pas un regard, alors que lui ne pouvait s'empêcher de la scruter, avant de prononcer son prénom, doucement, mais avec assurance. Elle se retourna, et leurs regards se croisèrent, lentement, mais il n'y eu rien de plus. Pas un sourire, pas un mot, elle se retourna et reprit sa marche vers un autre couloir, bien plus loin. Le jeune homme resta comme un con, il faut le dire, devant ce retournement de situation. Elle avait bel et bien l'air de lui en vouloir, c'était certain. Il y avait maintenant deux options qui s'offraient à lui. Soit reprendre son chemin et faire comme si rien ne s'était passé, ou au contraire, lui courir après, la rattraper et lui décrocher au moins deux mots, même si ces deux mots risquaient d'être des insultes, il n'était plus à ça près de toute façon. Il choisit la deuxième option en tournant les talons et se dirigeant vers le couloir où elle s'était dirigée. Il la vit, arrêté dans le couloir qui était totalement désert. Signe ? Peut-être. Hasard ? Surement. Il alla jusqu'à elle, d'un pas lent, s'attendant au pire. Qu'est-ce qu'il avait à perdre ? Rien ... Rien du tout. Arrivé non loin d'elle, il l'observa avant de dire quoique ce soit. Elle était toujours aussi belle, il fallait l'avouer, une beauté des plus remarquables, il n'était pas tombé dans ses filets pour rien. Il ne savait pas quoi lui dire, ne savait pas comment s'y prendre, alors il resta muet, avant de se diriger de l'autre côté pour lui faire face. « Ne m'ignore pas ... » murmura-t-il doucement, sachant très bien qu'il méritait l'indifférence, mais malgré tout, il tentait le coup.