Tu marches dans les rues, faisant claquer tes talons hauts contre les pavés de la zone piétonne de la ville. Des sachets en main, tu viens de faire les magasins, comme toute adolescente normale. Tu en avais eu envie, tu n'avais pas hésité, et puis voilà, tu avais fait quelques emplettes. Alors tu marchais, simplement, avant de t'arrêter à un coin de rue, le temps de fouiller dans ton sac à main. Tu t'empares de ton portable, regarde l'heure. Tu avais exactement une heure pour te rendre à ton entrainement de danse. Entre autre, tu avais largement le temps pour y aller, c'était à il y a quoi ... Dix minutes de marche ? Tout au plus. Alors tu décidas que tu pouvais t'accorder une petite cigarette. Tu savais que ce n'était pas bien pour ton entrainement, pour ton corps, pour ton souffle, pour tes poumons. Mais il fallait bien mourir de quelque chose non ? Alors oui, tu prends ton paquet, tu en prends une, tu le ranges. Cherches ton briquet. Evidemment, tu ne le trouves pas. Tu as du l'oublier chez toi. Surement. Tu savais que tu aurais du le mettre dans ton paquet de clope, mais non. Tant pis. Tu cherches des fumeurs. Oui, tu cherches. Tu trouves quelqu'un et n'hésites pas à t'incruster avec une bandes de jeunes, à peine plus âgés que toi. « Bonjour, vous auriez un briquet s'il vous plait. » Polie, toujours, un des leur t'en donne un, tu l'allumes, tu leur offres un sourire, avant de reprendre ta route en continuant sur la zone piétonne. Tes talons claquent toujours contre le sol, ta cigarette entre les lèvres, tu laisses la nicotine s'infiltrer en toi. Tu sais que ce n'est pas bien, mais tu le fais quand même. Comme beaucoup de chose. Tu ne fais pas tellement attention aux gens autour de toi. Pas tellement. Mais là, tu ne peux pas passer à côté. Et pourtant, tu aurais préféré fermer les yeux en cet instant, changer de route, faire demi-tour. Tout faire sauf de voir ça. Lui. Ca faisait une bonne semaine que tu l'avais pas vu, un peu plus, dans cette petite clairière. Pas de nouvelle depuis, et maintenant, tu le voyais. Bon sang, il n'avait pas changé. Physiquement parlant. Il avait juste ... Elle. En plus. Elle. Lui tenant la main. Un tremblement te prend. Tu te retrouves possessive. Tu ne réalises pas ce que tu vois, tu ne veux pas réaliser en fait. Sous le choc, tu n'avances même plus.

Aujourd’hui, c’est samedi. Alors que tu es dans ton salon, zappant inlassablement pour trouver un programme qui pourrait te tirer de l’ennui profond dans lequel tu es tombée depuis ton réveil, la sonnerie de ton téléphone portable te fait sursauter. L’écran indique que c’est Roméo qui t’appelles et tu décroches, un sourire aux lèvres. Il t’annonce que vous allez faire du shopping et qu’il t’attend en bas de chez toi... Il parvient toujours à te surprendre, même quand tu crois que c’est impossible - et tu adores ça. Il raccroche avant que tu puisses répondre quoi que ce soit et tu éteins la télévision sans regret. Tu te lèves, enfiles la première paire de chaussures que tu trouves, prends une veste et ton sac, et sors de ton modeste appartement pour le rejoindre dans sa voiture. Tu t’engouffres à l’intérieur et il t’embrasse tendrement. « Coucou ma chérie. » Tu lui souris, vraiment contente de le voir. « Tu as de la chance, j'étais déjà prête. Sinon tu aurais dû attendre une heure ! » Il démarre la voiture et vous ne tardez pas à arriver à destination. Cela fait une semaine que vous êtes ensemble, tous les deux, et tout se passe pour le mieux. Tu es toujours heureuse à l’idée de le voir et il te manque terriblement à chaque fois qu’il n’est pas avec toi… Une fois la voiture garée, tu sors et il te prend la main pour se mettre en route. Tu souris, encore et toujours, incapable de dissimuler ton bonheur. « Alors, contente d'aller... » Tandis que vous marchez tranquillement, il s’arrête, le regard fixé au loin. Il ne prend même pas la peine de terminer sa phrase. Intriguée, tu le fixes, sourcils froncés, et décides de regarder dans sa direction pour voir ce qui attire son attention à ce point. Une fille. Évidemment. Tu baisses les yeux alors qu’un milliard de questions te traversent l’esprit. Qui est-elle ? Pourquoi a-t-il réagi comme cela en la voyant ? Dois-tu t’inquiéter, te sentir menacer ? Tu préfères ne rien dire et attends qu’il sorte de sa léthargie. Il se tourne vers toi et t’adresse un sourire qui sonne faux. « ... faire les boutiques ? » Il a beau faire tous les efforts du monde, tu vois bien qu’il ne peut s’empêcher de la regarder. De la dévorer du regard, même. Tu poses à nouveau tes yeux sur cette fille et remarque qu’elle aussi s’est arrêtée de bouger, comme si elle s’était pétrifiée en voyant Roméo. Quelque chose ne tourne pas rond, oui… Mais quoi ? Ton sourire radieux s’est effacé et tu lèves les yeux vers ton petit-ami. « Qui c’est ? Tu la connais ? » Aucun reproche dans ta voix. Tu as posé cette question de manière tout à fait banale. Parce qu’au fond, tu n’as pas à t’inquiéter, pas vrai ? Cette fille, peu importe qui elle est, n’aura jamais la même importance que toi dans le cœur de Roméo. Du moins, c’est ce que tu espères.

Totalement prise au dépourvue, totalement déboussolée, tu n'étais pas préparée. Non, tu n'étais pas préparée à le revoir là. Maintenant. Tout de suite. Certainement pas. Il t'aurait fallu des heures de préparation mentale, mais tu n'en avais pas eu, tu n'avais pas eu le droit. Tu devais donc faire face à la situation. Et pourtant ... Tu ne savais pas comment faire. Comment réagir. Quoi dire. D'ailleurs, sous l'effet, tu t'étais totalement stoppée, plus aucun geste, tu avais arrêté ta marche pour scruter ton regard vers lui. Castiel. Bon sang. Son regard, sombre, ses traits, ses cheveux toujours aussi désordonnés où tu t'étais totalement perdue. Tu ne savais pas comment réagir, mais tu sortis de ta torpeur quand il se remit en marche, vers toi. Vous alliez vous croiser et ? Quoi d'autre ? Il allait t'ignorer, c'était certain, c'était vu d'avance, il allait t'ignorer. Il avait avec elle. Tu la détaillas alors, même si ton regard ne cessait de se poser sur lui. Elle était assez grande, brune, belle. Tu ne pouvais pas le nier. Mais en ce moment même, tu aurais pu lui sauter dessus pour lui arracher la tête, ou au moins, pour l'empêcher de le toucher. Elle n'avait pas le droit de sentir cette brûlure, de le sentir de ... Idiote. Tu étais totalement idiote. Bien sûr que si elle avait le droit. Ils étaient en ... couple. Ca se voyait. C'était toi qui n'avait pas le droit, toi qui était prise pour une c*nne, toi qui t'était imaginé des choses. Toi, et seulement toi. Alors tu repris aussi ta marche, te rendant compte de ta cigarette qui était en train de mourir entre des doigts manucurés. Tu la remis entre tes lèvres, ingurgitas le poison, sentant que ça ne serait pas suffisant pour te sortir cette image de l'esprit. Non, tu allais devoir trouver plus fort. Le regardant toujours, ton souffle se coupe, tu te sens en apnée, tu as l'impression que tout ton corps réagit en sa présence, sauf que là, c'est horrible. L'enfer t'emporte, ton corps se déchire, tu as mal. Tellement mal de voir ça, et pourtant, tu n'arrives pas à regarder autre part, totalement obsédée, comme si tu faisais exprès de regarder pour te montrer que tu avais totalement tort. Tu voudrais tellement que ce soit un cauchemar, une blague, autre chose. Mais tu comprenais maintenant. Il ne t'avait pas donné de nouvelle pour rien. Il était avec elle. C'était elle qui avait tous les droits, qui pouvait le toucher, l'embrasser, le regarder. Pas toi. Tu laisses la cendre s'éparpiller à terre, sur le goudron, en continuant d'avancer. Vous commenciez à être proche. Tu avais envie de le saluer, tellement envie de lui dire quelques mots, ou d'entendre sa voix. Mais tu n'y arrivais pas, tu voulais juste t'en aller le plus vite possible. Disparaître. Tu ne voulais pas faire face.

Tu remarques bien évidemment qu’il trésaille quand ta voix le sort de sa contemplation. Tu remarques toujours tout. Tu fais tellement attention aux gens qui t’entourent que tu as l’impression de pouvoir ressentir les mêmes émotions qu’eux, par moment. Quoi qu'on en dise, observer en apprend bien plus que de longs discours. « Euh... ouais, c'est une connaissance.. » Une connaissance ? Tu ne sais pas si tu dois être soulagée ou blessée par sa réponse – à laquelle tu ne crois pas une seconde. Cette fille était manifestement bien plus qu’une simple connaissance. Il n’y avait qu’à regarder la façon dont ils se regardaient et l’air mal assuré, presque gêné, qu’il avait pris pour répondre. Toi, tu n’agissais pas comme cela quand tu croisais par hasard une simple « connaissance » dans la rue… Mais tu décides une fois encore de ne rien dire et de faire semblant d’y croire. Tu te contentes donc d’hocher un peu la tête pour montrer que tu as saisi l’information et tu restes silencieuse jusqu’à ce que cette jeune fille, incroyablement belle et captivante, arrive à votre hauteur. Tu restes là, à côté de Roméo, gardant sa main dans la sienne sans rien dire. Tu ne sais pas vraiment ce qu’il va se passer. Tu ne sais pas qui est cette fille ni pourquoi le comportement de ton petit-ami a radicalement changé l’instant où il a posé les yeux sur elle... Et dans le fond, tu n’es pas sûre d’avoir envie de le savoir. Tu aimerais être loin d’ici pour ne pas avoir à assister à cela. « Lou ! Salut, quelle surprise de te revoir ici ... » Lou, elle s’appelle donc Lou. Joli prénom. Tu la regardes brièvement et lui adresses un petit sourire. « Salut », murmures-tu, n'oubliant pas la politesse. Tu es presque aussi gênée qu’eux, de te retrouver là dans cette situation à laquelle tu ne comprends rien… Comme si tu avais peur de les déranger, peur d’assister à une rencontre que tu n’aurais jamais dû voir. Tu n’as plus qu’à attendre et voir ce qu’il se passe. Une boule se forme dans ta gorge, sans trop savoir pourquoi, et tu préfères regarder ailleurs pour ne pas les voir, juste au cas où Roméo recommencerait à la fixer sans relâche. Qu’il y a-t-il de plus désagréable que de voir son petit-ami admirer une autre fille ? Rien, sans doute.

Tu continues de marcher, serrant tes sac de shopping d'une main et ta cigarette de l'autre. Tu aimerais tellement éviter ce moment, oublier ce moment, passer inaperçue, mais ça te semble totalement impossible. ton regard était sans cesse attiré sur lui, et sans cesse, tu enfonçais le couteau dans la plaie en les regardant. Car tu ne pouvais pas mettre de côté ce que tu voyais. A quoi avais-tu pensé ? Franchement ? Stupide, naïve, imbécile, idiote ... Ca t'énervais, tu t'énervais toute seule, pour une situation dont tu ne t'attendais pas. Quelques mètres vous séparent, tu ne sais pas quoi lui dire, tu ne te vois pas lui dire quelque chose en même temps. Et pourtant, tu veux entendre sa voix. Vous êtes plus très loin maintenant et il affiche un sourire. Pour ... Toi ? Tu ne sais pas. Tu hésites, avant de l'entendre. « Lou ! Salut, quelle surprise de te revoir ici ... » Surprise ? Oui. Totalement. Jamais tu ne l'aurais prévu. Et apparemment, c'était la même chose pour lui, ce qui était rassurant non ? Dans un sens, tu pensais que c'était bon signe, alors que non. Il pouvait simplement être mal à l'aise pour ce qui c'était passé, par rapport à la belle blonde qui lui tenait la main. C'était surement quelque chose ayant un rapport avec ça. Tu en étais presque certaine. Comment pouvait-il ressentir la même chose que toi ? Il ne le pouvait pas, ce n'était pas toi qui te pavanait avec une sublime créature du bout des doigts. Non. C'était lui. « Salut » Tu l'observes, timide, totalement nerveuse. Elle est respectueuse, heureusement, tu n'aurais pas été capable de lui dire quoique ce soit si elle n'avait pas commencé. Tu n'arrêtais pas de te demander si oui ou non, il avait passé ces heures avec toi alors qu'il était déjà en couple. Ca te rendrait folle si c'était le cas. Vraiment. Tu aurais fait du tort à la brune, et puis ... Il t'aurait bien manipulé aussi. Tu ne le connaissais pas après tout. Et pourtant son regard, son sourire, sa voix. Bon dieu, ça te faisait de l'effet. « Salut ... euh. Oui, quelle surprise, je euh ... J'espère que tu vas bien, enfin, ça m'a l'air. Je ... Je ne veux pas déranger. » Tu tentes un sourire à Castiel, tu n'y arrives pas, alors tu en délivres un à la brune à ses côtés. Tu avais tellement de questions, mais ton corps était en train de se transformer en champ de ruine en cet instant tellement la douleur y prenait place. Il fallait que tu fuis.