Troisième enregistrement de la journée avec ce groupe rock de pré-adolescent. C'était le genre de chose qui marchait en ce moment, et même si notre label de musique roulait sur de bonnes roues en ce moment, il fallait faire quelques petites choses commerciales de temps en temps. Moi, j'aimais les choses classiques, les musiques qui parlaient de choses réelles : le sexe, la vie. Des vraies choses et non pas des choses inintéressante du genre ce que j'avais fait aujourd'hui, ou bien la fille qui m’intéresse en ce moment. « Bon allez, cassez-vous. Vous êtes grave nul. Et attends, Martin ! Dis à ta mère qu'elle peut passer à la maison ce soir. », avais-je dit au petit. La mère de Martin ? Oh, c'était rien qu'une amie. Elle souhaitait me voir pour parler de son fils, et vous savez quand une maman veut voir un homme célibataire à la trentaine, c'est pas pour parler de son fils mais plus pour jouer au docteur. Enfin bref, j'étais posé dans la salle d'enregistrement lorsque mon portable sonna. Je regardais, il s'agissait d'un message d'Alix, qui souhaitait me voir. Alix... c'était ma meilleure amie depuis l'enfance, on se connaissait depuis plus de vingt ans et on était toujours aussi proche même ci récemment on ne se voyait plus trop. Elle devait s'occuper de sa salle de concert, de sa fille et de son nouveau copain. Moi, je devais m'occuper de mon label, de toutes mes femmes et maintenant d'un nouveau fardeau : mon fils.

Je mis à peine vingt minutes pour arriver à sa salle. Lorsque j'arriva, elle me prit dans ces bras. Cette étreinte me surprit, il était rare que l'on soit aussi proche de manière tactile. J'avais toujours décidé d'être distant avec elle, et il n'y avait pas de raison à cela. Pourtant, cette étreinte m'avait touché au fond. Je fis un sourire, on s'assit alors sur les grands tabourets et elle me servit un verre de vin. Je portais la coupe de vin à mes lèvres et but quelques gorgées, il était bon. J'avala ma dernière gorgée de travers lorsqu'elle me dit radicalement que Ozkar était revenu. Ozkar, Ozkar. Le père de Manon et l'ex-petit ami d'Alix. Ce salaud de première qui avait été un ami très proche autrefois. « J'avais complètement oublié ce mec. Il s'est passé quoi ? », lui demandais-je. Des souvenirs parcouraient ma tête, il avait été réellement un bon ami lorsque l'on était jeune. Mais ça, c'était avant.

Je n'aimais pas pensé à des souvenirs heureux avec des personnes que je n'appréciais plus tellement. Ceux d'Ozkar en faisait parti, je l'avais apprécié mais après être parti sans assumer, je l'avais un peu détesté. D'ailleurs, il était une raison au fait que j'avais moi-même décidé d'assumer ce que je faisais : c'est pourquoi au lieu de m'enfuir, j'avais assumé en épousant mon ex-femme même si cela n'avait guère durer longtemps. Bref, je demandais à Alix ce qu'il s'était passé, elle m'expliqua qu'elle lui avait clairement claqué la porte au nez, mais ce dernier lui avait dit qu'il reviendrait. Je soupirais, il était pas cool lui. « Je sais pas pour toi, mais il m'avait pas manqué. », répondis-je dans un soupir. En fait, je me demandais comment ça allait se passer avec Manon ? A mes souvenirs, il n'était pas du tout au courant qu'il avait une fille. Je voulais tellement voir sa tête lorsqu'il apprendrait qu'il est papa depuis bien dix-sept ans. Alix me disait qu'elle avait peur de lui, peur de ce qu'il pouvait faire et je ne comprenais pas. Elle était devenue une femme forte, elle avait pratiquement élevé sa fille seule même si on était là. Ozkar n'était que son passé, et désormais elle avait son présent et son futur. C'était rare de me voir sérieux comme j'étais à ce moment, mais je pouvais l'être lorsque l'on avait réellement besoin de moi.

« Tu ne devrais pas. Ecoute, toi tu as des supers amis, tu as Jules, Manon. Tu es bien plus forte que lui, et tu t'es vraiment endurcie durant dix-sept ans. Tu n'as pas du tout à avoir peur de lui. Jules et Manon en pense quoi de sa venue ? », lui demandais-je. Manon devait être surprise, elle n'avait jamais vu son père. Quant à Jules... il ne devait pas être très content surtout de voir que la présence de Ozkar mettait mal en point la belle Alix. De toute façon, elle pouvait compter sur moi.

Ozkar revenait peut-être pour reconquérir le coeur d'Alix, c'était une éventuelle possibilité. Je ne pense qu'il soit au courant qu'il ait une fille, Alix ne lui avait plus jamais parler depuis le jour où il était parti en sachant qu'elle était enceinte. Il avait fait du mal à la personne à qui je tenais le plus, et j'avais eu du mal à la consoler tout de même. Quelque semaine, il lui avait littéralement brisé le coeur et elle avait pleuré des jours entiers. La venue de Manon lui avait redonné le sourire et la joie de vivre, d'ailleurs elle s'était promis de ne plus pleurer et lors de cette promesse, j'étais présent. Elle n'avait plus jamais pleuré de tristesse, mis à part à des évènements tels que l'entrée de sa fille à l'école ou des petites choses comme cela, mais c'était tout à fait normal. Elle m'expliquait qu'elle en avait parlé à Manon, et la réaction de ma filleule ne m'étonnait pas du tout. Elle ne connaissait pas son père, elle n'en avait pas pour elle. Elle pouvait seulement compter sur moi, William et maintenant ce Jules. D'ailleurs, elle ne lui en avait pas parlé à lui pourtant il s'agissait de son amoureux. Peur que cela change quelque chose entre eux ? Je ne comprenais pas réellement, mais peut-être qu'elle avait peur qu'il soit jaloux, qu'elle ne retombe amoureuse de Ozkar ? Impossible. Je lâchais un soupir et bus alors d'une traite le vin qui était dans mon verre.

« Tu devrais lui en parler. », lui disais-je simplement. Du moins, ce n'était que mon simple avis. Je pris à nouveau un verre de vin et me servit, servant alors par la même occasion Alix. Je n'aimais pas voir Alix mal, et je n'aimais pas entendre Alix parler de son Jules, comme s'il était le seul au monde, le seul qui pouvait la faire rigoler lorsqu'elle était triste, et cetera. « Je t'ai dit que mon fils était revenu à la maison, non ? », disais-je pour changer de conversation.

Je lui conseillais d'en parler à Jules, son fiancé. C'était toujours la meilleure solution : la discussion. Bon, j'étais surement mal placé pour donner des conseils sur ce sujet là lorsque l'on voyait ma propre vie sentimentale. Mais disons que je n'aimais pas suivre mes conseils. J'avais déjà fini mon verre de vin, et je me levais pour me diriger vers le derrière du bar. Un moment, le vin, c'était plus suffisant. Je fis un signe à Alix, je pris alors une bouteille. C'était du rhum, un bon rhum qui venait des antilles : donc forcement, bien fort. Je me servis un verre assez bien corsé, et ne sachant pas si Alix en voulait, je posais seulement la bouteille sur le comptoir. Et finalement, je lui avais dit que mon fils était revenu à la maison. C'était extrêmement bizarre de l'appeler mon fils, puisque je ne l'avais pas vu pendant plus d'une quinzaine d'années. En fait, depuis le jour où j'avais divorcé avec ma femme et qu'elle était partie avec l'enfant sans me donner de nouvelles. Peu m'importe, je n'avais jamais cherché à connaître mon fils ou même prendre des nouvelles de lui et de mon ex-femme. Je faisais seulement mon boulot, c'est à dire envoyer une pension alimentaire.

Bref, je lui avais donc dit que mon fils était venu habiter chez moi alors elle me demandait comment ça se passait et pourquoi il était venu. Je soupirais, et but d'une traite le rhum qui était dans mon verre. Je fis une petite grimace pour montrer qu'il était bien fort, puis dit : « Disons qu'on ne parle pas beaucoup, il a pris la chambre d'ami et il sort souvent pour aller à l'école, et tout ça. Il est venu pour deux raisons : son école est à Biarritz. Et, il voulait apprendre à me connaître. Je ne sais pas ce qu'à dit sa mère sur moi, mais elle n'a pas du dire des choses bien gentilles à mon égard, enfin tu la connais. ». Je me permis aussi de rajouter : « D'ailleurs, il me ressemble pas tant que ça, tu sais ! »

Elle était donc partante également à se bourrer la face. Elle s'était servie du rhum comme moi. Le rhum, c'était parfait. Quatre, cinq verres, et j'étais parti avec ça. Le rhum, c'était la vie. Après avoir bu mon verre et racontait la période mon fils, je me resservis alors un verre, resservant par la même occasion mon amie. Je lui avais dis qu'il ne me ressemblait pas que ce soit physiquement ou au niveau mental. Quoique... Il ne tenait pas tellement l'alcool, il aimait les femmes, j'espérais en faire un mini-moi quand même. J'bus quelques gorgées de mon verre, le rhum passait tellement bien avec un zeste de citron, c'était absolument délicieux. Certes fort, mais délicieux. Tout de suite, Alix proposait que mon fils et Manon devaient se rencontrer. C'était une possibilité, ils allaient certainement s'entendre puisqu'ils avaient pratiquement le même age. Pourtant, sa remarque me fit bader légèrement. Un couple Lefebvre-Perot. J'y avais souvent pensé. Pas de mon fils et de sa fille, mais plutôt de moi et d'Alix. C'était des rêves, pourtant. On était amis, on savait tout l'un de l'autre, et je savais au fond moi que ça n'allait pas changer. Regardant mon verre vide, je pris la bouteille dans les mains et but au goulot. Au vu de ce que je venais de boire, cela équivalait bien à trois ou quatre verres. Il fallait que je me saoule, il fallait que j'oublie et que j'enlève ses pensées de ma tête.

« Pourquoi pas ? C'est faisable, on organisera -hic- une rencontre. », disais-je, et voilà je commençais déjà à avoir le hoquet, c'était le seul inconvénient du rhum avec moi : il me donnait toujours le hoquet. Sûrement un signe que je commençais déjà à être ivre. Mais, tant mieux, c'était exactement ce que je cherchais. En ce moment, je buvais beaucoup plus. Bon, je buvais déjà avant, mais là c'était beaucoup plus qu'avant même si je n'en parlais à personne, pas même à ma meilleure amie à qui je disais tout.

Une rencontre entre mon fils et la fille d'Alix, le comble. J'aurais préféré que ce soit la génération d'avant, c'est à dire moi et Alix. Une relation quasiment impossible tant nous étions proches. Je ne voulais pas gâcher cette amitié qui existait depuis bien des années, je m'en voudrais si cette amitié n'existait plus. Je pensais, et j'avais arrêter de boire alors que ma meilleur amie me disait de me calmer sur la boisson. Je lui fis un sourire, comme si ces quelques gouttes m'avait rendu ivre. J'étais dans un parfait état. Bon, je mentais, j'étais complètement mort, mais j'en avais besoin : j'avais ce besoin de boire. J'allais reprendre une gorgée, mais Alix fut plus rapide que moi et me prit alors la bouteille des mains. Mon geste pour la reprendre fut d'une lenteur extrême : l'alcool faisait déjà ses effets. « Alix ! On a plus quinze ans ! », disais-je. Mais bon, elle était à fond dedans autant s'y prendre au jeu et puis, j'étais saoul donc je m'en fichais un peu. Je me levais avec un peu de mal de mon tabouret, et m'approchais de ma meilleure amie. Dès que je l'approchais, elle reculait. A ce rythme, je n'allais jamais réussir à l'attraper.

« Attends. Arrête de bouger pour voir ? », lui demandais-je. J'étais réellement bourré que ma feinte n'avait même pas marché et elle s'était encore plus moqué de moi. Je fis un long soupir avant de courir vers elle, de tendre ma main et de... glisser sur elle. Je me retrouvais assis sur elle alors qu'elle était allongée. « Ma bouteille ! », disais-je. Alors que je lui pris des mains. Je bus deux-trois gorgée et la posa sur le côté. « Tu vois, je suis fort comme chat. », disais-je en ricanant et cela faisait tellement longtemps qu'elle et moi, nous n'étions pas amusé comme ça.