Un mal de crâne insupportable, un balancement de timbales à l'intérieur de son corps, comme si celui-ci était compressé dans une machine à fromage. La jeune brune n'en pouvait plus. Rêvait-elle ? Vivait-elle ? De toute façon, tout ça n'avait plus vraiment d'importance. Un peu plus ou un peu moins, quelle différence ça faisait ? Aucune. Elle n'avait pas été appelé à vivre une vie féerique et de compte de fée. Ce n'était pas maintenant que ça allait changer. ça lui allait, ça ne lui allait pas. Lula avait depuis longtemps apprit à cacher cette partie d'elle au plus profond de son âme. Son âme noire. Aussi noir que son coeur, aussi noire que ses pensées. Lula était d'une noirceur à faire pâlir une chauve-souris. Mais après ? Elle pouvait être blanche, bleue, rose, une fois encore, tout ça n'avait pas d'importance. Elle se laissait guider par ses émotions. Ou plutôt par tout ce qui entrait en elle, ses petites pilules blanches qui faisaient d'elle leur esclave. Esclave d'un jour, esclave d'une nuit. Leur esclave, à vie.

Peu à peu le brouillard s'élevait autour de la jeune fille. Elle essayait vainement de s'y extirper, faisant preuve de bonne volonté. Et un bruit de douce musique ne faisait qu'aggraver son cas. Qui pouvait donc bien mettre une musique si forte alors que nous étions en pleine nuit ? Dans un grincement de douleur, Lula finit enfin par ouvrir les yeux. Sa première impression fut que la musique n'était peut-être pas si forte que ça. La deuxième, c'est qu'elle ne reconnaissait rien de ce qui l'entourait. Se frottant les yeux, elle crut encore rêver. Sauf que la douceur du matelas sous son corps était bien réelle. Que la chaleur était présente cette une couverture, et qu'elle avait salement mal de crâne. C'était ainsi à presque chaque réveil. Et pourtant, tous les soirs, Lula recommençait. Essayant d'atteindre le point de non retour. Si elle n'avait jamais eu la force de sauter d'un toit ou autre connerie du genre, ça ne l'empêchait pas d'essayer avec la drogue. Parce qu'on ne sentait pas le mal, parce que ce n'était pas douloureux et parce qu'on semblait alors partir dans un doux voyage constellé de gens gentils et de douces images. Là alors, c'était une mort paisible et heureuse. Sauf que la vie s'acharnait sur Lula. Tout le temps.

Se levant péniblement du lit douillet dans lequel elle avait atterri, elle aperçu une salle de bain dans la chambre où elle était. Avec des grimaces à chaque pas, elle parvint enfin à se poser devant le miroir. Une tête horrible lui faisait face, des cheveux dans tous les sens, des yeux bleus au maquillage coulant. Le t-shirt qu'elle avait sur elle ne parvenait qu'à peine à recouvrir ses fesses, et laissait l'un de ses épaules nus. Lula avait une tête de morte vivante. Mais contrairement à ce qu'elle pensait, sa beauté n'avait pas totalement disparue. Oh, Lula n'était pas moche, loin de là, disons qu'elle était spéciale. Et elle n'avait jamais rien fait pour se mettre vraiment en valeur. Ah quoi bon ? Elle n'avait jamais eu personne, personne ne s'était jamais soucié de son sort. La preuve, elle avait passé sa jeunesse dans un orphelinat, et après, il n'avait même pas cherché à s'échapper. Passant vite fait un coup d'eau sur son visage, elle fit partir le gros du maquillage. Oui, elle était déjà un peu plus présentable. Quoique... Soupirant, elle passa ses doigts dans ses cheveux. Rien à faire, ils étaient beaucoup trop emmêlés.

Une musique qui semblait sortir tout droit d'un piano retentissait toujours à ses oreilles, plutôt curieuse, elle décida de partir à la recherche de la source, et surtout de voir si elle trouvait celui ou celle qui l'avait raccompagné dans ce qui semblait être son appartement. Pieds nus, elle sortit de la chambre qu'elle avait occupé. C'était un appartement banal. Comme on en voit partout. Mais qui était un paradis pour Lula. Elle n'avait jamais rien eu pour elle, et en ce moment la jeune fille ne faisait que squatter la maison d'un vieux de quarante balais. Mais elle n'avait ni l'argent ni l'envie de se retrouver seule dans un endroit pareil. La solitude lui faisait peur, autant qu'un monde grouillant autour de sa personne. Elle essaya malgré tout de se rappeler comment elle avait atterri ici. Rien à faire, elle n'en avait aucune idée.

Elle finit par arriver devant une sorte de salon, où un jeune homme était assis devant un piano. C'est de lui qu'émanait cette musique. Merveilleux. S'adossant à la porte, elle commença par un peu l'écouter. Elle avait toujours été fascinée par la musique. Et elle était plutôt heureuse que ce ne soit pas un vieux pervers qui l'avait recueillie. « Tu serais pas l'homme du bus ? » En effet, Lula semblait se rappeler de l'avoir déjà vu quelque part. Chaque matin, chaque soir, elle prenait le bus, et si elle ne se trompait pas, celui-là s'y retrouvait tous les jours avec elle. Elle lui fit un sourire timide avant d'aller s'asseoir sur un fauteuil près de lui. Lula n'était pas une sans gêne. Elle n'avait pas le temps pour cela, de s'occuper de choses qui n'en valaient pas la peine. Lula, c'était Lula. Unique en son genre, mais tellement perdue.