Ton coeur s'emballe, tu fais mine de fouiller dans ton sac, comme obsédée par une envie indestructible de te focaliser sur autre chose que lui. Mais c'est dur, très dur. Tu dois mettre tous tes sens sur off. « Lou ? » Tu sursautes. Vraiment. Vient-il de t'appeler ? Il faut que tu te retournes maintenant. Mais tu as honte, et tellement peur de ce que tu pourrais faire. Tu reprends ton souffle et te retournes enfin. Il est habillé. C'est déjà ça. Et pourtant, tu sais très bien ce que tu peux trouver sous ses vêtements. Une nouvelle respiration. L'oxygène de nouveau dans tes veines. Tu respires un bon coup, et tentes de lui sourire, de faire en sorte que tout va bien, que tu vas bien. Alors que c'est totalement faux. Une bataille s'engage depuis maintenant un bon moment au plus profond de ton corps. La raison contre les pulsions. Il faut que la raison gagne. « On y va ? » Oui. Tu as envie de lui répondre oui. Mais tout ce que tu fais, c'est hocher la tête de manière positive, avant de commencer à marcher. Toujours pieds nus, à travers les champs. Tu ne le regardes plus, tu n'oses pas le regarder. Ca te ferait bien trop mal. Et la raison devait gagner. Le regarder serait la désarmer, tu le savais. Tu marchais plus vite qu'à l'allée. Bien plus vite. Comme pour t'échapper. Il le fallait. Vraiment. Ta main retrouva finalement ton portable au fin fond de son sac à main, que tu sortis, vivement. L'heure. Tu en avais besoin. Tu te stoppas net en regardant l'heure et tu sentis qu'il faillit te rentrer dedans devant ce brusque arrête. Cinq heures ? Vous aviez vraiment passé cinq heures ? Tu ne savais même pas si c'était beaucoup, ou pas d'ailleurs. Tu n'arrivais pas à penser. Tu le ranges alors, ayant maintenant repris ta marche, sans aucune explication. Peut-être avait-il vu d'ailleurs. Dans tous les cas, tu entendais ses pas te suivre, alors que toi, tu luttais totalement pour ne pas te retourner. La raison Lou. La raison devait terminer victorieuse. Au final, vous retrouvez ce chemin de terre par dessus le tronc d'arbre, mais tu ne t'arrêtes pas. Non, tu continues, tu files vers là où tu sais que tu retrouveras le brouhaha de la ville. Là où la libération devrait avoir lieu, même si tu savais que ça allait plutôt être un retour en enfer. Tu continues de marcher. En cet instant, tu te fiches de te balader les cheveux trempés en pleine rue, tu te fiches de marcher pieds nus. Plus rien ne t'importe. Tu es totalement concentrée sur le fait de ne pas te retourner. Surtout pas. Mais vous arrivez enfin dans la ville, sur le goudron, sur le trottoir. Tu t'arrêtes. Il faut que tu te retournes, le regarde une nouvelle fois, car tu n'as aucune idée de quand tu le reverras. Alors tu agis. Te retournes, et ton coeur manque un battement. Pourquoi cet effet. Tu le regardes quand même, dans les yeux. Le public aide à te canaliser. C'est vrai. Et heureusement. Tu tentes un sourire. Médiocre. Tu retentes. Un peu mieux. « Je ... C'est bon, tu reconnais les lieux ? » Oui, tu savais que c'était parce qu'il n'avait pas eu le choix, qu'il avait du te demander de l'aider à retourner dans la civilisation. Vraiment. « J'espère qu'on se reverra. Je ... Je vais te laisser. » Oui, ce n'est même pas un espoir, c'est un besoin, mais tu ne lui diras pas. L'envie reprend le dessus, alors il faut partir maintenant. La raison doit gagner, vraiment gagner. Un dernier sourire, tes yeux impriment son visage, et tu tournes les talons, n'osant pas attendre sa réponse, non, là, il faut que tu t'en ailles le plus rapidement possible. Si tu pouvais tu irais plus vite, te réfugiant au calme pour tout évacuer. Tu sentais que les larmes avaient besoin de passer. Pour te laisser brûler à petit feu de cette douleur insupportable de le laisser partir loin de toi.